Qu’est-ce que les expatriés pensent de leur vie sur leur nouvelle terre d’accueil ? Marguerite effleure les mots a créé un nouveau tag pour en apprendre plus.
Voici les questions de Marguerite:
1) Expatriée toute seule ou expatriée par amour ?
J’ai rencontré mon français à Montréal où il était en mission, mais il avait envie de installer au Québec durablement. Réjean était donc retourné en France le temps d’effectuer les démarches pour la Résidence Permanente. Une fois tous les papiers en main, il est revenu à Montréal où il est resté plusieurs mois sans trouver de travail. Finalement, il a dû envisager un retour en France où, paradoxalement, il a trouvé un travail en quelques jours.
Comme j’avais depuis toujours envie de faire ma maîtrise universitaire à l’étranger, j’ai sauté sur l’occasion de m’installer à Paris avec lui. Si j’avais été seule, je ne sais pas si mon choix se serait arrêté sur la France.
2) Depuis combien de temps es-tu de l’autre côté de chez toi…
Je suis en France depuis cinq ans et c’est ma première expatriation.
3) Quels sont les mets qui te manquent le plus de ton pays d’origine ?
Toutes les recettes que ma mère sait si bien cuisiner mais que je ne sais pas reproduire de façon exacte: vol-au-vent au poulet, macaroni chinois, tourtière (pâté à la viande pour les puristes), tarte aux bleuets et pain de viande. Des choses assez simples mais encore trop difficiles pour mon niveau de cuisine embryonnaire.
4) Vis-tu à l’heure de ton pays d’accueil ou à l’heure de ton pays d’origine ?
Je n’ai pas le choix de vivre à l’heure française parce que le travail rythme mes journées mais je ne suis pas fan des horaires parisiens où on commence notre journée tard pour la finir tard. Cela m’oblige à manger mon dernier repas quelques heures avant d’aller au lit, ce que je trouve assez ridicule.
En plus c’est difficile d’avoir une vie le soir car les spectacles commencent tôt et pour y assister il faut souvent courir entre le bureau et le théâtre pour finir affamé dans son siège faute d’avoir trouvé un truc à manger à cinq minutes.
Par contre, j’aime la douce lascivité des dimanches où tout est fermé.
5) Une chose, un objet que tu as toujours trimbalé au long de tous tes voyages…
Je n’ai pas gardé grand chose de ma vie à Montréal toutes mes possessions entraient dans deux valises, j’avais vendu ou donné le reste. Les deux choses sans lesquelles je n’aurais pas pu partir c’est nounours et Akira. Le reste n’est que du matériel.
6) Te sens-tu étrangère une fois par jour, une fois par semaine, de temps en temps, jamais..
Tout le temps! Quand on n’utilise pas le mot exact que les français s’attendent à entendre, ils font mine de ne pas comprendre alors même que le mot incriminé figure dans le dictionnaire. Comment déstabiliser un garçon de café? En lui commandant un Coke plutôt qu’un Coca!
Au travail, j’ai la chance de travailler avec des gens de différents bagages culturels et avec beaucoup de clients américains et étrangers. Ça me donne l’impression de travailler à Montréal!
Il y a énormément de choses que je ne comprends toujours pas mais c’est généralement amusant de constater les différences. Sauf avec l’administration qui elle, m’enrage.
7) Songes-tu à un éventuel retour « chez toi » ?
Oui et non. Parfois je me dis que je serais bien mieux à Montréal mais quand je vois combien le coût de la vie a augmenté et surtout comment il est facile de se retrouver dans la marde sans assurances privées pour la santé et pour le maintient du salaire, ça me tente beaucoup moins.
Si les aléas de la vie font que je me retrouve célibataire, je ne me battrais pas pour rester en France. Je partirais à la dérive au Canada: Whitehorse, Vancouver, Toronto, Ottawa, Montréal …
8) Justement, que signifie pour toi l’expression « chez soi » ?
Au Québec on a étrangement l’habitude de dire « chez nous », même en habitant seul!
Chez nous c’est parfois ma tente ou une chambre d’hôtel, je suis très flexible sur ce concept. Je n’ai jamais ressenti d’attachement fort envers une maison ou un appartement, je suis toujours très heureuse de déménager.
9) Quelle est la leçon que tu tires, pour l’instant, de ces années d’expatriation ?
Que les discours sur l’immigration exigeant que l’immigré se fonde complètement dans la société qui l’accueille sont proférés par des gens n’ayant pas vécu à l’étranger.
Même en venant d’une culture relativement proche de la France, je vais toujours être supporter de l’équipe canadienne de curling aux Olympiques d’hiver et ce n’est pas pour autant que je suis une mésadaptée sociale.
Je paie mes impôts en France, je contribue aux associations françaises et je m’intéresse au monde autour de moi. Dans le fond, c’est ce qui compte le plus.
10) Réponse à cette question que j’oublie de te poser et à laquelle tu voudrais tellement y répondre… – Est-ce que tu as changé d’accent?
C’est tellement tabou au Québec de franciser son accent mais une fois sur place c’est essentiel, au risque de passer constamment pour un personnage folklorique. Les français aiment le Québec et aussitôt qu’ils perçoivent l’accent, ils ne se privent pas pour me parler de leurs dernières vacances, de leur neveu installé à Montréal, LE québécois qu’ils connaissent, de me dire combien ils souhaitent immigrer au Québec, me répéter des expressions grossières ou débiter les préjugés usuels. Ça part d’un bon sentiment mais ça devient pénible quand ça arrive trois ou quatre fois par jour!
À Paris, il vaut mieux adopter un bon accent bourgeois, les gens perçoivent que je suis étrangère mais ça leur prend un certain temps avant de deviner mes origines.
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